Rencontres

Cecile Zeitoun, Zeit Paris-Berlin

Parlez-nous de Zeit et de l’importance de Paris et Berlin pour la marque.

Tout est parti de ma mère, en ce sens je dois être une créatrice bien classique. Artiste peintre et allemande, elle m’emmenait entre Paris et Berlin aux vernissages et soirées des deux capitales. Au milieu d’une faune artistique et déjantée, j’observais ces femmes plus belles les unes que les autres.
Toutes avaient un point commun : l’allure, un goût prononcé pour le style.
 De là un constat qui m’est resté : la beauté n’est pas le fruit de codes sociaux (taille, poids, symétrie du visage) mais celui de l’expression d’une identité. Et cela passe beaucoup par le vêtement.

Vous mettez en avant l’aspect éco-responsable de Zeit Paris Berlin, comment cela se traduit-il concrètement ?

Créer de manière responsable est essentiel dans un monde fast fashion. Cela se joue sur deux tableaux, écologique d’une part et humain aussi. Zeitparisberlin est une marque upcycling, 80 % de nos tissus proviennent des fins de stocks des grandes maisons de couture (Balmain, Balenciaga, Vuitton). En ce sens, nous ne participons pas à la fabrication des matières premières. Pas de transports polluants, pas de gâchis d’eau et des matières ultra-qualitatives.
Humainement, nous souhaitons apporter à notre clientèle une transparence totale sur les conditions de fabrication. Nous n’avons rien contre la Chine, le Sénégal ou la Turquie où il existe des entreprises formidables, mais c’est loin (trop loin) pour surveiller les conditions de fabrication. Nous avons donc créé un atelier de production zeitparisberlin à Rosny-sous-bois, à 45 minutes de notre boutique en RER, mené par notre couturier Leonardo, un expert et passionné de couture. Exit l’opacité des conditions de production et les transports polluants, on y tient.

Pouvez-vous décrire l’évolution entre votre première et votre dernière collection ? Qu’est-ce qui a changé et qu’est-ce qui est resté la même chose ?

L’aventure Zeitparisberlin a commencé à Berlin lorsque j’ai fondé l’atelier berlinois voilà sept ans. Depuis, les modèles ont évolué au fil des collections, le travail de recherche s’est fait plus fin, plus abouti. Il continue aujourd’hui à mûrir, je suis loin d’avoir créé l’étendue des possibles, ce qui est fort émulant.
 Ce qui reste est une pâte reconnaissable, celle du travail de la ligne, de la coupe. Un vêtement à la fois simple dans ce qu’il a de dépouillé et sophistiqué dans l’adéquation de la recherche des matières et de la coupe.

Quelle est la relation entre le savoir-faire et le luxe dans la mode ?

Aujourd’hui, les marques de prêt-à-porter bas/moyen/haut de gamme délèguent création et fabrication.
Entre un dessin et le modelage du vêtement, il y a un vrai fossé. Pour autant, les dessins techniques des vêtements sont envoyés à des bureaux (beaucoup se trouvent en Inde) qui s’occupent du patronage, c’est-à-dire de la réalisation de la coupe du vêtement. Beaucoup proposent un choix de tissus adéquats. Ces patrons sont ensuite utilisés à des fins de production à grande échelle. Ces bureaux font un travail remarquable mais pour survivre, ils concentrent les demandes de différentes maisons (un modèle sera légèrement modifié en fonction de chaque marque, mais la base restera la même), une option de standardisation que choisissent un grand nombre de marques afin de baisser les coûts.
On est loin de l’idée de savoir-faire et de luxe incarné par les grandes maisons de couture qui continuent à travailler la coupe dans leurs ateliers.
Zeitparisberlin ne prétend pas être une maison de haute couture mais utilise les mêmes procédés. Chaque modèle est travaillé à la main, sans outils afin de laisser la place au hasard, au non manufacturé, bref, à la création.

 Pensez-vous qu’il y ait un lien entre la haute couture et l’architecture ?

Bien sûr ! Il s’agit de chercher la forme toujours et encore ! Rien ne dévoilera plus la personnalité d’un individu qu’un vêtement si bien coupé qu’on ne le voit plus.

Avez-vous un projet qui vous fait rêver ?

Oh oui ! Prendre des vacances ! Et plus sérieusement proposer notre travail qui me semble abouti (mais loin d’être achevé) à un plus grand nombre. Nous avons aujourd’hui une boutique située 70 rue des martyrs (ouverture uniquement le vendredi samedi et dimanche) et ouvrons le 3 avril une boutique en ligne (zeitparisberlinshop.com).
Nous présenterons nos modèles suivant notre activité créative, toujours en petites séries et loin des diktats de la production à outrance, hérésie d’une société qui, j’en suis convaincue, est en passe de changer.
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