Rencontres

Toyine Sellers

Textiles contemporains haut de gamme

Toyine Sellers est tombée amoureuse des textiles tissés main. Dans son atelier de l’Isère, en France, elle tisse des textiles dameublement et des tapis sur danciens métiers, à partir de fibres naturelles et fantaisistes, guidée par un engagement de qualité et inspirée par les paysages du monde.

 

Quel a été votre parcours jusqu’à ouvrir votre atelier?

 

Mon intét pour le tissage est né lorsque je travaillais comme architecte d’intérieur avec Peter Marino, qui m’a tendu une photo d’une malle Louis Vuitton et m’a dit : « Fais de cette malle, un tissu! ». Je ne savais pas du tout par où commencerMais j’ai réussi! Peter Marino a joué un rôle déterminant en me guidant involontairement vers cette nouvelle étape de ma vie, et il a été une véritable source d’inspiration. C’est grâce à lui que j’ai découvert le monde fantastique des artistes tisserands (entre autres métiers), incroyablement passionnés, talentueux et dévoués. Je pense à un tisserand en particulier, un vieux monsieur, comme un grand-père pour moi, qui m’a vraiment inspirée. C’est pour lui et son atelier que je suis retournée en Europe. Lorsque mes mains se sont plongées dans les matériaux, mes yeux dans les couleurs, mon cerveau a intégré le processus, mon être tout entier a compris, fait les connexions nécessairesj’ai adoré !  Au début, je ne manipulais pas les métiers à tisser, mais petit à petit, je me suis essayée au geste. Sans formation, je faisais presque tout de travers, par comparaison aux gestes traditionnels et quotidiens des tisserands de métier. Mais ces « erreurs » ont fini par faire partie de mon style et de la personnalité de mes créations. J’aime l’imperfection, elle rend les choses réelles et ajoute un caractère spontané aux pièces. Je dis souvent aux tisserands avec lesquels je travaille de « désapprendre » ce qu’on leur a appris et de faire place à lerreurMais seulement jusqu’à un certain point! Je suis également très attachée à la qualité et à la beauté de mon travail. 

 

Je voulais pouvoir travailler avec différentes maisons de tissage, en me concentrant uniquement sur la conception et la vente, sans avoir à gérer ma propre production, mais je me suis vite rendu compte que si je voulais contrôler la qualité et le projet de la conception à la livraison, je devais le faire moi-même. Je suis alors partie à la recherche de métiers à tisser et j’ai trouvé un vieil atelier sur le point de fermer, j’ai acheté les métiers à tisser, j’ai embauché les tisserands et je me suis lancée !

Vous produisez exclusivement en France. Comment avez-vous trouvé votre atelier et que recherchiez-vous exactement?

 

Tous nos tissus ont toujours été tissés en France depuis le début, en 2010. Puis en 2011, réalisant que j’avais besoin de maîtriser ma production, je me suis mise à la recherche d’un modèle de métier à tisser, qui n’avait pas été produit depuis les années 1950. Cette recherche m’a conduite dans la région lyonnaise où j’ai trouvé trois de ces métiers à tisser en vente sur un site d’occasion. Ils sont assez rares aujourd’hui. En raison de leur taille et de leur poids, il n’était pas envisageable de les déplacer à l’époque. J’ai dû attendre le développement de mon activité pour avoir les fonds nécessaires, car au moment où je les ai trouvés, mon budget était passé en fils et en échantillonnages, sans savoir ce qui m’attendait !

Quelle est votre relation à la matière, aux fibres que vous travaillez?

 

J’essaie de travailler avec des fibres naturelles autant que possible. Mais ayant travaillé au design des boutiques Chanel sous la direction de Peter Marino pendant cinq ans, juste avant de commencer ma carrière de tisseuse, je connais aussi très bien les fils fantaisie et le lurex. Ils font partie de mon vocabulaire. Tous les fils que j’utilise sont de provenance européenne, et je travaille avec des teinturiers et des filateurs locaux pour obtenir des fils spécifiques, soutenant ainsi le savoir-faire européen.

 

Vous aviez une idée précise du type de métiers à tisser que vous vouliez pour Toyine Sellers. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi?

 

Je souhaitais des métiers à tisser spécifiques, découverts et expérimentés dans un atelier avec lequel j’avais travaillé à Bruxelles. Leur utilisation a débuté dans les années 50. Ils permettent de tisser à peu près n’importe quel matériau, et auraient été utilisés pour tisser certains des textiles les plus fous de Pierre CardinSur ces métiers, je peux combiner du coton, de la soie, de la laine, du lin, de la chenille, des fils fantaisie, du métal et du cuir, pour créer des combinaisons uniques et enchanteresses.

Vous voyagez depuis votre enfance. Votre inspiration vient-elle des grands espaces,
qu
ils soient naturels ou urbains?

 

Jai les souvenirs, la nature, l’art, la céramique et la nourriture comme sources d’inspiration. Je regarde toujours autour de moi et j’observe le monde qui m’entoure lorsque je suis à la maison, dans l’atelier, mais aussi lorsque je voyage. Mes tissus reflètent ces impressions; les paysages et la lumière se retrouvent dans mes couleurs et mes textures. Je suis inspirée par des artistes qui eux aussi s’inspirent de la nature, comme Peter Doig, Gerhard Richter et Per Kirkeby, entre autres.

 

Comment ces inspirations se traduisent-elles dans les créations de Toyine Sellers?

 

Je commence par réfléchir aux couleurs ou aux textures de fils que j’ai dans ma bibliothèque et qui peuvent être assemblées pour obtenir l’effet que j’ai en tête. Je joue avec les fils, en les enroulant autour de ma main, pour avoir une idée de la façon dont ils se mélangeront. À partir de là, je crée une recette, en réfléchissant à la répétition et au motif. La dernière étape (qui peut aussi être un début!) consiste à tester le tout sur le métier à tisser. Parfois, j’ai de la chance et ça me plait du premier coup, d’autres fois (le plus souvent), ce n’est pas du tout ce que j’avais imaginé, mais ce n’est pas toujours une mauvaise chose, car cela peut ouvrir la voie à de nouvelles possibilités.

Comment accompagnez-vous vos clients professionnels dans leurs projets et leurs choix?

 

Nos textiles sont disponibles exclusivement par l’intermédiaire de notre équipe de vente spécialisée, qui travaille directement avec les clients pour trouver des solutions sur mesure à leurs besoins textiles. Nous sommes fiers d’anticiper les besoins de nos clients et de leur fournir un service à l’ancienne.

Vous travaillez également avec un studio de design textile. Comment gérez-vous une demande entièrement personnalisée?

 

En raison de la nature de nos textiles, nous travaillons principalement pour des projets de décoration dintérieurs résidentiels haut de gamme. Toutefois, nous développons des tissages sur mesure pour des boutiques de luxe et des projets spéciaux pour ltellerie. Nous avons récemment commencé à accepter des commandes pour laviation privée et le yachting. Nous travaillons beaucoup sur des demandes personnalisées. Le plus souvent, les clients choisissent parmi mes échantillons une texture qu’ils aiment ou une palette de couleurs. Ils me disent ensuite ce qu’ils souhaitent voir modifié ou ajusté. Lintention doit tout de même correspondre à ma sensibilité en matière de couleurs et de design, sinon c’est un véritable défi pour moi. J’essaie aussi de les guider.Le plus fabuleux, mais aussi le plus risqué, c’est quand un client me dit: « C’est toi qui décides, je te fais confiance » ! Cest toujours très gratifiant quand le résultat leur convient au premier échantillon, mais bien sûr, sil faut, on ajuste.

Comment avez-vous rencontré Collection Latil et pourquoi
avez-vous rejoint la Collection
?

 

J’ai reçu un mail de Collection Latil par hasard, quelques mois avant qu’Anne-Sophie Latil me contacte. J’ai été impressionnée par la qualité du travail des autres ateliers présentés et lorsque Collection Latil ma contactée j’ai été ravie, car jai pensé que ce serait une belle rencontre et des opportunités d’échanges !

 

 

Découvrez plus d’informations sur Toyine Sellers dans l’espace Collection.

 

 

Photos ©François Hallard, ©Francis Amiand, ©Lotfi Dakhli, ©Sylvain Faisan, ©Studio Erick Saillet

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