Rencontres

RoWin’ Atelier

Designers & Architectes

RoWin’ Atelier est né en 2011 de la passion d’Hervé Winkler et Frédéric Rochette pour le travail de la forme, de la matière et des textures. Ce duo français imagine des pièces de mobilier d’exception, dans des matériaux rares, souvent en série limitée voire, en pièces uniques. Leur approche transversale, une sensibilité artistique éclectique et la collaboration étroite avec les artisans du territoire, donnent naissance à des créations mettant en valeur les contrastes de matières et de volumes.

Quel est votre parcours ?

 

Frédéric Rochette : J’ai passé mon baccalauréat et j’ai enchaîné avec des études d’architecture à Toulouse. En parallèle de ma scolarité j’ai rejoint l’agence de Françoise-Hélène Jourda par le biais de la Junior Entreprise de l’ENSA La Villette. Pionnière de l’architecture écoconçue dès la fin des années 70, je me retrouvais dans ses valeurs d’architecture durable et responsable. Très vite, je me suis vu confier des projets au sein de l’agence. J’ai également obtenu mon HMONP (Habilitation à maîtrise d’ouvrage en son Nom Propre) à l’ENSA Versailles.

Hervé Winkler : De mon côté, j’ai un parcours moins classique, plus à l’anglo-saxonne ! Après un BEP « Collaborateur d’architecte », j’ai poursuivi avec un Brevet de Technicien en agencement, puis j’ai intégré une section d’Arts Appliqués en Architecture d’Intérieur, pour finalement rejoindre par équivalence l’École d’Architecture située aux Beaux-Arts de Paris.

Quand avez-vous créé RoWin’ Atelier ?

 

Frédéric Rochette : On a créé RoWin’ Atelier en 2011. On s’est rencontrés il y a une quinzaine d’années. C’est moi qui ai rejoint Hervé. À l’époque, j’étais encore chef de projet chez Françoise Hélène Jourda mais j’avais envie de changement et Hervé était déjà en exercice libéral. Pendant quelque temps, j’ai travaillé pour lui, puis on a décidé de s’associer. Nos parcours sont assez complémentaires.

Pourquoi ce nom ?

 

Frédéric Rochette : RoWin, c’est la contraction de nos noms de famille. C’est Hervé qui a eu cette idée. En anglais, « rowing » veut dire « ramer », ça nous a fait rire. Au-delà de la blague, on aime tous les deux l’idée du slow design, de faire les choses bien et lentement, pas à toute vitesse. L’aviron nous va bien comme moyen de propulsion.

Hervé Winkler : Oui, et « Atelier », apporte l’idée de travail en commun avec des artisans d’art, l’image du travail à la main, à l’ancienne, avec de la matière, des échanges. L’image liée au « cabinet » d’architecture ne nous correspondait pas. On avait envie de plus transversalité, et moins de hiérarchie entre la conception et la réalisation. C’est aussi l’envie de proposer des créations fabriquées dans un temps long avec des matériaux naturels ou nobles, par opposition au mobilier ou objets jetables issus de l’industrie de masse.

Quels ont été vos débuts, et les grandes étapes de RoWin’ Atelier ?

 

Frédéric Rochette : La machine a mis du temps à se lancer. On dessinait beaucoup de pièces mais on ne communiquait pas dessus. Quand on a finalement lancé notre site web en 2013, les 3D des projets ont servi en partie à l’habiller. Quelques jours après la mise en ligne, Tatjana Sprick alors directrice des ventes du nouveau site précurseur de design rare en ligne « L’Arcobaleno » nous a écrit « Vos pièces m’intéressent, nous souhaiterions collaborer avec vous, quel est leur prix ? ». On a dû lui répondre que les pièces n’existaient pas ! Par manque de réseau et de partenaires pour estimer les coûts de fabrication nous n’avions pas pu donner suite à l’époque. Cet échange nous a néanmoins permis de prendre conscience de la valeur et du potentiel de notre travail, nous incitant à collaborer avec des artisans pour concrétiser nos idées.

Hervé Winkler : Ça nous a poussés à explorer les possibilités d’auto-édition pendant un moment. Puis en 2016, nous avons rencontré Alexandre Guillemain, galeriste spécialisé dans le 20e siècle. Il a souhaité se lancer dans l’édition contemporaine et nous a permis d’éditer une première collection, présentée au PAD Paris en 2017. Elle a reçu le prix du design contemporain pour l’ensemble des pièces. Lors du PAD Paris 2018, nous avons exposé pour la première fois nos fauteuils CONQ. Là encore, reconnaissance de nos pairs, et un bel honneur d’avoir pour premiers acquéreurs Oitoemponto, le Cabinet Alberto Pinto et Peter Marino.  Puis en 2019 notre lampe LILI a été retenue par le Mobilier national pour être développée au sein de l’institution par l’ARC (Atelier de Recherche et de Création). Terminées en 2023, les deux lampes en bronze massif sont désormais inscrites à l’inventaire et considérées comme « Trésor national » ! Depuis 2019 nous sommes représentés par la Galerie Twenty First à New York et depuis 2021, par la Galerie Scène Ouverte à Paris.

Qu’est-ce qui vous anime dans votre métier ?

 

Frédéric Rochette : La création d’objets et de mobilier nous passionne. La phase de conception, la gestion des chantiers d’architecture nous plaît énormément. De même que le travail de la matière, l’expérimentation, la juxtaposition, les rencontres avec les artisans. La lave émaillée avec Jean-Charles Matrone de Tradition Pierre, le verre, la céramique, la fonte, qu’on explore actuellement avec Stefan Mocanu d’Arte Fabrica ou le PMMA avec FIVA Acrylique Fonderie. Imaginer toujours, mais avec les possibilités et les contraintes des matières…

Quel est votre processus créatif ? D’où vous vient l’inspiration ?

 

Frédéric Rochette : Je dirais qu’on a chacun notre bibliothèque mentale de références, dans laquelle on pioche à loisir pour composer et réaliser nos pièces. On ne crée pas ex nihilo, on réinvente, avec tout ce qu’on a dans la tête. Notre culture, nos voyages, nos découvertes…

Hervé Winkler : … La recherche en amont d’artisans qui travaillent avec respect et passion, leurs techniques de production, leurs matières, définit notre travail. Avec Jean-Charles Matrone, de Tradition Pierre on a travaillé sur une adaptation de la cristallisation de l’émail utilisé dans la céramique sur le basalte. Il a fallu faire des essais, pousser la température du four, tâtonner. Puis l’émailleur, a fait un test avec un émail et une cuisson très spécifiques. Le rendu était magnifique et impossible à reproduire à l’identique. C’est exactement ce qu’on voulait pour cette pièce.

Vous entretenez une relation très privilégiée avec les artisans.
Pouvez-vous nous en dire plus ?

 

Hervé Winkler : Ce sont de vraies rencontres. On travaille ensemble. On a besoin de leur savoir-faire et on souhaite les mettre en lumière, faire connaître leur virtuosité. C’est vraiment un esprit de collaboration. On avance ensemble sur un projet de pièce, mais on partage aussi au-delà. Les voir travailler, explorer des techniques avec eux, nourrit notre créativité. De notre côté, on leur apporte de la nouveauté, des pistes d’expérimentation et aussi tout simplement de nouveaux contacts.

Et quel projet rêvez-vous de faire ?

 

Hervé Winkler : On a déjà eu des demandes un peu folles ! Des chaises pour la salle à manger d’un grand acteur américain pour sa maison de West Hollywood, par exemple. Leur développement est compliqué, elles sont restées au stade de dessin mais on ne désespère pas d’en faire le prototype un jour. On envisage notre travail un peu comme les grands ensembliers des années 30. Si on pouvait, on dessinerait à l’échelle de la ville jusqu’à la petite cuillère… Sinon, un hôtel en œuvre total comme celui de la SAS Royal Hôtel à Copenhague entièrement conçu par Arne Jacobsen ou l’Imperial Hotel de Tokyo par Franck Lloyd Wright !

Frédéric Rochette :… autant qu’un château contemporain… Ce qui nous plaît c’est de faire partie d’un tout, cette idée de collection, de transmission. Et on aime aussi beaucoup la transversalité. Mais un projet de rêve, ça peut être aussi une cabane au fin fond du Portugal…

 

 

Photos – ©Studio Zilizou, ©Alexandra Mocanu, ©Christophe Berlet

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