Rencontres

Mathieu Bassée

Directeur Artistique de Studio MTX

Directeur Artistique de Studio MTX, Mathieu Bassée met son expérience et sa créativité au profit de cette Maison d’art de Chanel depuis 2015. Il nous explique comment le design est entré dans sa vie, l’ADN du Studio MTX et nous raconte l’évolution de cette Maison qui propose des broderies architecturales

Quel est votre Parcours ?

 

Le design a toujours fait partie de ma vie mais je ne pensais pas que je pouvais faire de cette passion un métier. Mon premier choc avec le design s’est produit lors d’une sortie scolaire à 17 ans, dans la boutique du musée d’art moderne et contemporain de Nice où j’habitais à l’époque. J’ai été arrêté par la forme de la brosse à dent Fluocaril conçue par Philippe Starck. En voyant un blister avec une forme godronnée transparente, une flamme bleue à l’intérieur… je me suis dit qu’une brosse à dent pouvait être autre chose que l’objet basique, un peu rustre, orange à poil noir et blanc que je voyais tout le temps. Cette brosse à dent a définitivement fait entrer le design dans mes champs de référence mais j’ai malgré tout suivi un parcours éloigné du design pendant 10 ans.

Après le bac, j’ai intégré une classe préparatoire puis une école de commerce. Ma première expérience s’est faite au sein d’un cabinet de conseil anglo saxon à Lyon dont le sujet était le développement économique local. A 20 ans, j’ai eu l’opportunité de partir à New York avec cette entreprise et c’est là que c’est produit mon deuxième choc. Un soir, alors que je rentrais du travail je suis resté devant le hall d’un immeuble en construction, hypnotisé par une suspension qui flottait à une hauteur de plafond vertigineuse. Cette suspension, celle du designer Sven Middelboe était un assemblage de cercles concentriques en tôle. Cette seconde rencontre formelle et l’émotion qu’elle a provoquée chez moi m’a décidé à rentrer en France pour embrasser la direction qui avait toujours été la mienne. J’ai donc intégré L’ENSCI à l’âge de 27 ans. Cette école m’a permis de concrétiser ma rencontre avec la matière, les formes, la technique, l’usage, la fonction… C’est le plus bel apprentissage que j’ai vécu.

Comment qualifiez vous le Design ?

 

Il y a plein de façon d’attraper ce mot mais pour moi c’est essentiellement la conjonction de la fonction et de la forme. Cela peut sembler basique mais cette double polarité offre déjà un horizon gigantesque dans lequel les propositions les plus décoratives côtoient les plus minimales.

Quelles ont été vos premières expériences dans le monde du Design ?

 

Alors que j’étais à la moitié de mon cursus, il y a eu un projet à l’ENSCI en partenariat avec Hermès dont le thème était l’Objet Voyageur. Ma proposition de sacoche à géométrie variable, très ajustée aux besoins d’un consultant, a intéressé Hermès qui m’a offert la possibilité de concrétiser ce projet lors d’un stage puis d’intégrer par la suite l’équipe maroquinerie pour dessiner des sacs, des bagages et de la petites maroquinerie.

J’ai ainsi eu la chance de travailler avec Pascale Mussard fraichement nommée Directrice Artistique de Petit h qui avait piloté le projet avec L’ENSCI et qui m’avait repéré. Plus tard, elle m’a d’ailleurs proposé de faire partie de l’écurie des créateurs de Petit h.

Après Hermès, j’ai travaillé en tant que designer indépendant notamment auprès de Jean Marie Massaud qui faisait nombreux projets de mobilier et du design de mobilité, entre autres pour Toyota. C’est d’ailleurs un de ses projets qui a permis à l’agence 14 Septembre, missionnée à l’époque par Studio MTX pour trouver un remplaçant à une personne qui quittait l’équipe, de me repérer.

Comment et quand avez-vous rejoint Studio MTX ?

 

Conforté dans un engagement dans cette voie que sont les métiers d’art, le geste à l’échelle un peu sérielle, j’ai rejoint Studio MTX. Studio MTX est un département dédié à l’architecture de l’atelier Haute Couture Montex. Lorsqu’Annie Trussart a pris les rênes de la direction artistique de Montex dans les années 80, elle a développé un langage autour de la broderie très différent de ce qui se faisait alors. Elle a introduit le plastique, l’acétate, le béton, le bois dans la broderie et elle a mis en place un langage qu’on pourrait appeler : broderie architecturée, broderie en relief, en volume. Elle avait fait Duperré ; elle avait une formation de brodeuse, était passionnée par l’architecture et aussi un peu le rock’n’roll.

Lors de la crise économique de 2008, l’univers de la mode a pas mal souffert. Une idée a germé chez Annie d’opérer une translation du vêtement vers l’espace ; d’ouvrir la broderie à d’autres marchés notamment celui de l’architecture intérieure. Les premières expérimentations ont eu lieu en 2011, puis en 2013 le travail de MTX est révélé au Salon du Meuble de Milan. Studio MTX apparaissait comme le faiseur de miracles brodés dans le monde de l’architecture d’intérieur, permettant de produire des micros architectures, des cloisons, de claustras qui ne construisent pas totalement l’architecture mais qui contribuent. Ceci a permis à Studio MTX d’exister mais les projets étaient tellement premium que cela ne permettait pas une récurrence nécessaire au fonctionnement d’une entreprise. J’ai rejoint l’équipe en 2015, pour opérer un virage, un repositionnement. J’ai travaillé deux ans aux cotés d’Annie qui m’a laissé sa place en 2017.

Quel est le rôle d’un Directeur Artistique pour un tel Atelier ?

 

J’ai un poste qui me permet de prendre un certain nombre de décisions avec la directrice générale Cécile Léal. Il embrasse à la fois la direction artistique, la ligne éditoriale du studio et en même temps le positionnement stratégique : comment faire vivre cette activité ?

Après quelques tâtonnements nous avons trouvé le positionnement de ce projet qui sort des cadres : celui de proposer ces matières, issues de savoir-faire de la broderie, qui en gardent l’essence tout en s’en dégageant notamment d’un point de vue technique, pour des projets d’architecture intérieure. Nous nous adressons à des architectes capables de penser un claustra autrement qu’avec des lames de bois ou des briques de verre et qui veulent quelque chose de différent pour un habillage de plafond. Nous lançons également cette année nos premières lignes de produits, en commençant par des miroirs et des luminaires.

Photos – ©Alix Marnat, ©Loic Salfati, ©Cecil Mathieu, ©Rodrigo Rize

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