Rencontres

Camille Viry

Artiste Plasticienne / Peintre en Décor

Camille Viry est artiste plasticienne/peintre en décor. Elle réalise des fresques et des peintures murales sur-mesure pour des architectes d’intérieur et des clients particuliers en France et à l’international. Spécialisée dans les enduits de chaux, son travail est particulièrement empreint d’influences japonaises et italiennes. Découverte de son parcours, de ce qui l’anime et de sa manière de travailler.

Pouvez-vous nous raconter votre parcours ?

 

La création a toujours été au centre de ma vie.  Le « faire » mais aussi l’acquisition d’un regard, d’une culture artistique. Je peins depuis que je suis toute petite. Souffrant de dyslexie, l’école a toujours été compliquée.

Ma mère l’a vite compris et m’a inscrite très tôt dans un atelier d’arts plastiques le mercredi après-midi. J’étais aux anges. J’ai touché à tout : au plâtre, à la peinture, au modelage, au dessin, la mosaïque, la céramique…

J’ai également baigné dans l’univers artistique de mon père qui m’emmenait découvrir au moins deux expositions par mois en France et à l’étranger. La création a toujours occupé une place d’expression très importante.

J’ai fait cinq ans de graphisme à l’École Estienne – école supérieure des arts et industries graphiques de Paris de laquelle je suis sortie diplômée. J’ai ensuite travaillé pendant un an en tant que graphiste mais j’ai vite compris que passer ma journée devant un ordinateur ne me convenait pas.

Comment s’est fait votre passage au monde de la matière, à celui du décor ?

 

Un jour, quelqu’un qui avait connaissance de mon amour pour la peinture m’a demandé de réaliser une fresque chez lui. Enthousiasmée par le projet, j’ai accepté et me suis vite mise en quête d’une formation pour m’aider à relever ce défi.

Là, j’ai trouvé, puis suivi, la formation des Ateliers de Vérone en Touraine. D’abord apprentie, j’ai gravi les échelons pour seconder Valérie Le Roy sur pratiquement tous ses chantiers ce qui m’a permis d’acquérir un grand nombre de techniques et une véritable compréhension de la matière. Une sorte de compagnonnage qui a duré une vingtaine d’années.

Les Ateliers de Vérone sont spécialisés dans tous les enduits à la chaux, les stucs et utilisent des matériaux bio sourcés, notion importante pour moi. Parallèlement, j’avais mes propres chantiers plus artistiques qui ont fini par prendre de plus en plus de place.

Qu’est-ce qui vous anime dans votre métier ?

 

Ce qui m’anime le plus c’est de travailler sur de très grandes surfaces. L’artiste qui m’a donné envie de faire du grand est Ernest Pignon-Ernest. Bien que son travail soit très différent du mien, j’ai été captivée par son art de la mise en scène et de voir tous ces papiers déroulés dans la ville m’a vraiment marquée.

J’aime faire corps avec le mur,
être complètement enveloppée et prise par la couleur,
par la matière. Cela me fait vibrer.

 

J’aime trouver la matière, le motif, l’ambiance qui va faire que le décor résonne avec le lieu dans lequel il s’inscrit.
Le plus satisfaisant pour moi est quand le client me dit avoir l’impression que le décor a toujours été là.

Pouvez-vous nous décrire votre travail, vos influences en quelques mots ?

 

Mon travail est empreint d’influences japonaises. J’aime le concept du Wabi-Sabi qui célèbre l’art de l’imperfection, la beauté du temps qui passe.

Les fresques italiennes dans les palais, les églises, tout cet univers de la pierre et du stuc fait également partie de mon ADN. Je travaille aussi la peinture sur couches, influencée par l’art anthroposophe. Apparaissent des vagues, des dunes… le dégradé et les différentes transparences créent un horizon et des perspectives.

Comment travaillez-vous ?

 

Je conçois toujours mes décors en dialogue avec mes clients. Nous construisons la proposition ensemble en partant d’un travail existant (échantillons, décor déjà réalisé à réinterpréter) ou en partant d’une idée, d’une envie spécifique où tout est à imaginer et à concevoir.

J’aime particulièrement partir de l’idée du client pour dérouler toute une histoire. Je travaille à partir d’échantillons que je mets au point dans mon atelier. Une fois le concept validé, le chantier peut s’organiser. J’adapte mon équipe en fonction de l’ampleur du projet et je me déplace en France et à l’étranger.

Pouvez-vous nous citer des projets emblématiques ?

 

J’ai eu la chance d’avoir carte blanche pour restaurer les fresques d’une chapelle du XIe siècle à Evreux. Appartenant à un propriétaire privé, la chapelle n’était pas protégée par les Monuments Historiques. Les tailleurs de pierre qui restauraient le bâti ont mis à jour des fresques. Pendant un an, j’ai travaillé, à l’aide d’une équipe, à la mise à jour de ces fantômes de fresques que j’ai eu l’honneur de réinterpréter en m’appuyant sur l’existant. Ce chantier était très émouvant.

 

Dans un style très différent, j’ai réalisé un décor en peinture a fresco sur les portes coulissantes d’une maison en ayant comme point de départ une estampe japonaise. Sur un fond entièrement recouvert à la feuille d’or, j’ai réinterprété cette estampe aux kimonos à l’échelle d’un décor.

Pour sa galerie du Palais Royal, Odile Texier m’a tendu une très belle assiette en céramique en me demandant de retrouver son effet de profondeur, de nuances pour habiller ses murs. Elle souhaitait également que j’intègre un trait d’or évoquant le kintsugi (méthode japonaise de réparation des porcelaines ou céramiques brisées au moyen de laque saupoudrée de poudre d’or). Le décor sert d’écrin aux œuvres qu’elle présente.

Pour le restaurant gastronomique Jeanne-Aimée à Paris, nous sommes tombés d’accord sur le décor Dune qui correspond à un travail de peinture sur couches habituellement réalisé sur papier. Le mur de fresque réagissant comme un papier aquarelle, j’ai réalisé à grande échelle ce décor qui nous transporte dans un univers doux évoquant l’aurore ou le coucher du soleil, des cimes de montagnes à l’heure ou l’ambiance est encore vaporeuse. Un sacré défi à réaliser.

Photos – ©Florie Berger, ©Camille Viry

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